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La Grande Messe en ut mineur de Mozart présentée par Philippe Cathé

En 1782, Mozart n’est plus le petit prodige voyageant de ville en ville et de cour en cour lorsqu’il compose la Grande Messe en ut mineur. À 24 ans, c’est un compositeur en pleine possession de ses moyens. Après les vifs succès de l’enfance, il échappe au sort qui menace tous les enfants prodiges – l’oubli – en s’imposant à Vienne comme le meilleur pianiste de son temps. Il n’est pas sans rivaux mais, à Noël 1781, il triomphe du plus fort d’entre eux – le compositeur Clementi – dans un duel informel organisé à l’instigation de l’empereur Joseph II lui-même. Le compositeur n’est pas en reste et, en plus de sonates, quatuors et concertos, il compose coup sur coup deux opéras qui attirent l’attention sur lui de la plus heureuse manière : Idomeneo et l’Enlèvement au sérail rencontrent un succès considérable en 1781 et en 1782 et le propulsent sur le devant de la scène viennoise.

Si Mozart écrit une messe à ce moment précis, alors qu’il est libéré de ses anciennes fonctions au service de l’archevêque, c’est parce qu’il en fait le vœu en marge de son mariage. Son père ne connaît pas la jeune Constance Weber, que Mozart a rencontrée et qu’il souhaite épouser. Tout va vite dans sa vie : il demande le consentement paternel mais se marie avant de l’avoir reçu ! Pour apaiser la colère de son père, Mozart lui promet d’écrire une grande messe et de la créer à Salzbourg aussitôt qu’il pourra y venir pour lui présenter sa jeune épouse. Mais le succès de l’Enlèvement au sérail le retient à Vienne et la rencontre n’a finalement lieu qu’en juillet 1783. Le jeune couple vient passer trois mois à Salzbourg avec, dans ses valises, la Messe en ut mineur, alors inachevée – et qui l’est restée. La création a lieu dans l’église Saint-Pierre de Salzbourg le 25 août 1873 avec, probablement, Constance chantant l’une des parties solistes.

Mozart a écrit le Kyrie de sa messe, le Gloria – l’un des textes les plus développés –, le Sanctus et le Benedictus, mais pas l’Agnus Dei. Le Credo – de loin le texte le plus long – n’est que partiellement composé. Toutes les interprétations de cette œuvre majeure du répertoire religieux mozartien doivent donc s’appuyer sur des versions complétées, en particulier la fugue de l’Hosanna, vers la fin de l’œuvre, que Mozart a pensée comme une double fugue pour double chœur mais dont seul un chœur est parvenu jusqu’à nous. Jouée ainsi dans son entier, cette œuvre montre la direction suivie par Mozart. Elle est issue du mélange des influences baroques – particulièrement de la virtuosité du contrepoint de Bach dont on trouve un écho dans les passages fugués – et de la voie personnelle que le musicien suit dans l’expression des textes qui, de l’opéra à l’église, se retrouve dans le lyrisme des airs et des ensembles de cette Grande Messe en ut mineur.

Philippe